Concours national
de la
Résistance et de la Déportation 2010

« L’appel du 18 juin 1940 du général De Gaulle et son impact jusqu’en 1945 »

dimanche 21 mars 2010

la resistance en Moselle






« C'est une grâce et un honneur d'être allemand », affirmait dans son discours aux Mosellans, le Gauleiter Josef Bürckel lors de son entrée officielle à Metz le 21 septembre 1940. Après s'être fait remettre les clés de la ville, il avait traversé des rues jonchées de livres français déchirés qu'il avait piétinés... Bürckel venait d'être nommé par Hitler chef de l'administration civile en Moselle, occupée depuis la mi-juin par les troupes de la Wehrmacht et bientôt annexée de fait à l'Allemagne nazie, à l'instar de l'Alsace.




La Moselle se trouvait ainsi séparée des trois autres départements lorrains - la Meurthe-et-Moselle, la Meuse et les Vosges - qui restèrent français : l'ancienne frontière qui avait prévalu de 1871 à 1918 fut ainsi rétablie. Et pour les Allemands la Moselle reprenait son nom de Lothringen (Lorraine). Doté des pleins pouvoirs et chargé par le Führer de germaniser la Moselle « à tout jamais » en l'espace de dix ans, Bürckel proclamait le 30 novembre 1940 le rattachement du département au Gau de Sarre-Palatinat pour former une nouvelle province allemande, le Westmark, avec Sarrebruck comme chef-lieu. En réalité, la germanisation était déjà en marche puisque depuis plusieurs mois les occupants procédaient à l'expulsion de tout une série d'« indésirables » vers la Zone sud : les Français dits de l'« Intérieur », ceux originaires d'Afrique du Nord, les juifs, les Asiatiques et les gens de couleur, puis les « naturalisés français », puis d'anciens conseillers municipaux, puis des communistes et des membres des associations patriotiques...




Mais c'est bien en novembre 1940 qu'eut lieu la plus grosse vague d'expulsions : les zones rurales francophones furent quasiment vidées de leurs habitants, ils étaient eux aussi jugés non-germanisables. Un plan de colonisation des terres allait être établi, des colons allemands devant s'installer sur les propriétés des familles contraintes à l'exil. On estime à cent mille le nombre total de Mosellans expulsés. L'objectif du IIIe Reich étant d'intégrer les Mosellans dans la « grande famille allemande », fut créée la « Deutsche Volksgemeinschaft » (Communauté du peuple allemand), un organisme dirigé à Metz par deux autonomistes lorrains notoires. Chaque Mosellan devait signer la déclaration suivante : « J'affirme ma foi dans le Führer et dans le peuple. Je désire être admis au sein de la Communauté allemande ».
défilé à Hagondange




L'entreprise n'ayant pas eu le succès escompté par les nazis, une nouvelle étape fut franchie par le Gauleiter Bürckel le 29 août 1942. Dans un discours historique prononcé dans la salle des Mines à Metz, il déclara officiellement attribuer la nationalité allemande à tous les Mosellans « de race allemande » et proclama l'introduction du service militaire obligatoire, ce qui signifia l'incorporation de force des jeunes gens dans la Wehrmacht. Près de 30 000 « Malgré-Nous » allaient être concernés par cette funeste mesure. Dans sa proclamation du 29 août, Bürckel demandait une nouvelle fois aux Mosellans de choisir ... « Que celui qui est allemand se prononce pour l'Allemagne et se mette par son action et sa mise à l'épreuve quotidienne au service du Reich. Celui qui est français doit rester français et résider là où il estime reconnaître sa patrie... », commentait le journal nazi Westmark quelques jours plus tard. Le discours déclencha un important mouvement de résistance, des manifestations spontanées éclatèrent et nombre de Lorrains se précipitèrent dans les mairies et les sous-préfectures afin de signifier leur refus de la nationalité allemande et déclarer leur volonté de quitter la Moselle pour « la France ». L'occupant revint alors sur sa décision, exclut ces récalcitrants de la Communauté du peuple allemand et décida de les transplanter, à partir de janvier 1943, par familles entières dans des camps spéciaux du Reich, de Silésie et des Sudètes principalement. Ces Patriotes Résistants à l'Occupation (PRO) y vivront difficilement jusque la fin de la guerre oe Compte tenu de la spécificité de la situation mosellane, toute action aussi minime fût-elle était considérée sur cette terre annexée comme portant atteinte au prestige et à l'effort de guerre allemands et, par conséquent, représentait davantage encore qu'un acte de résistance : c'était une trahison. La répression à l'encontre des auteurs de telles actions n'en fut que plus violente. Malgré tout, la population résista immédiatement (ne se berçant pas d'illusions sur le maréchal Pétain et le gouvernement de Vichy, qui l'avaient abandonnée), afficha courageusement son attachement à la France et manifesta son opposition aux mesures annexionnistes, sous diverses formes.



Par exemple en allant le 15 août 1940 fleurir la statue de la Vierge de la place Saint-Jacques à Metz de centaines de bouquets tricolores,
en hissant le drapeau tricolore sur la mairie de Hagondange le 11 novembre 1942 ou en continuant à parler français, à ses risques et périls. Des actions plus organisées se développèrent : aide à l'évasion des prisonniers de guerre français et alliés (aviateurs britanniques et américains, mais surtout nombreux prisonniers soviétiques à qui les nazis imposaient des conditions de vie et de travail inhumaines), aide également aux milliers de réfractaires à l'incorporation de force et aux évadés de la Wehrmacht. Des filières d'évasion furent mises sur pied, telles celles de soeur Hélène de l'hospice Saint-Nicolas à Metz ou de Suzanne Thiam qui permirent de faire franchir la frontière, pourtant fortement gardée, à bien des fugitifs.
Autres actions organisées, celles entreprises dès juillet 1940 par un groupe de jeunes lycéens et apprentis messins auxquels se joignirent des employés des Postes et Télécommunications. Ils formèrent un mouvement intitulé L'Espoir français, avec pour but de s'opposer par n'importe quel moyen à la restauration de la souveraineté allemande en Moselle annexée : diffusion de tracts, interception puis transmission de renseignements... En décembre 1940, certains d'entre eux furent regroupés sous le nom « Les Etudiants » au sein du réseau Uranus-Kléber. Mais en juin et juillet 1941, 21 arrestations mirent un terme aux activités du groupe, qui fut jugé devant le Tribunal du peuple siégeant à Zweibrücken (Palatinat) en septembre 1942. Celui-ci prononça deux peines de mort pour haute-trahison et espionnage mais, en raison du jeune âge des condamnés, les commua en peines de prison...

Un autre mouvement, composé d'officiers français et de sous-officiers, dirigé par le commandant Scharff, n'acceptant pas la défaite et dénommé Mission Lorraine, s'intégra à l'Armée Secrète en mars 1941, puis à l'ORA (Organisation de résistance de l'armée) en 1943 et enfin aux FFI.

Jean Burger naît à Metz, il y a un siècle, le 16 février 1907 dans une famille de commerçants grainetiers assez aisée. Il choisit de devenir instituteur et enseigne dans les bassins industriels du département. Il milite rapidement au Parti communiste. Dans le prolongement de ses choix politiques, Jean Burger s’engage dans la lutte pour la Paix et contre le fascisme.




Il se montre également attentif au sort des Juifs réfugiés de Pologne ou chassés d’Allemagne. Jean Burger s’engage au temps du Front populaire pour la défense de la République espagnole. Il organise, à partir du début de l’année 1937, le recrutement pour les Brigades internationales. L’action de Burger et des autres militants communistes sera particulièrement efficace puisque la Moselle est le quatrième département français fournissant le plus de volontaires pour l’Espagne. En septembre 1939, Jean Burger est mobilisé au 460ème Régiment de Pionniers. Il est fait prisonnier le 17 juin 1940. Après son arrestation, « René Legrand » est emprisonné dans un Kommando près de Nienhagen ( Allemagne). Ce n’est qu’au cours de l’hiver 1940-1941 qu’il peut donner signe de vie à son frère qui va réussir à organiser son évasion à la Pentecôte 1941. La direction nationale du part communiste lui demande d’organiser la résistance communiste en Moselle.
Jean Burger crée ainsi le groupe de résistance « Mario », dont l’activité revêt des aspects multiples. Par la propagande orale, les graffitis sur les murs et la distribution de milliers de tracts, il tente de soutenir le moral des Lorrains qui subissent une politique de germanisation rigoureuse passant d’abord par l’expulsion des éléments « indésirables » puis, entre 1942 et 1944, par l’obligation de travailler pour les Allemands ou par l’incorporation de force dans la Wehrmacht des jeunes Lorrains et Alsaciens. L’aide aux prisonniers de guerre évadés est la manifestation résistante la plus précoce et la plus fréquente. Jean Burger prend part personnellement à de nombreuses actions contre l’occupant. C’est ainsi qu’au cours de l’été 1943, il participe à de nombreux actes de sabotage ou à des incendies de récoltes destinées aux Allemands. Les arrestations massives commencent en août 1943. Après l’une de ces rafles dans la région de Thionville, un commissaire allemand apprend que le 3, rue Vauban à Metz est un lieu de rencontre de résistants. Annie Schulz, arrêtée le 21 septembre 1943 sur son lieu de travail, est obligée de donner les clefs de son appartement à la Gestapo. Jean Burger y est arrêté par les Allemands qui mettent en place une souricière leur permettant d’arrêter plusieurs résistants qui n’avaient pu être prévenus à temps de l’arrestation de « Mario ».

Le groupe est démantelé à la fin de l’année 1943 et au début de l’année 1944, périodes pendant lesquelles les interpellations concernent journellement des dizaines de résistants. Un tiers environ des membres du « Groupe Mario » tombe ainsi entre les mains de la Gestapo. Après son arrestation, Jean Burger est maintenu enchaîné une huitaine de jours dans les caves de la Gestapo messine où il est torturé. Il est ensuite transféré à la prison militaire de Metz puis au Fort de Queuleu construit par les Allemands après la première annexion et devenu un SS Sonderlager. Devant l’avancée des troupes alliées, les détenus commencent à être évacués à l’été 1944. Jean Burger, avec treize autres camarades, quitte ses geôles lorraines pour la prison de Mannheim. Il est ensuite transféré à la prison de Wiesbaden puis au camp de Dachau où il arrive le 14 novembre 1944. Quelques jours plus tard, neuf d’entre eux, dont Jean Burger, partent dans un convoi pour Auschwitz-Monowitz.
L’Armée rouge approchant, l’évacuation d’Auschwitz commence au matin du 18 janvier 1945. Les déportés, dont six membres du « Groupe Mario », doivent gagner à marche forcée un camp annexe à Gleiwitz, à l’ouest du bassin minier de Haute-Silésie. Là, les survivants s’entassent dans des wagons découverts partant dans plusieurs directions. Le convoi de Jean Burger arrive dans le Harz pour gagner le camp de Dora. C’est probablement au cours de ce transfert que Jean Burger contracte une pneumonie qui le fait admettre à l’infirmerie. A partir de mars 1945 les inaptes au travail sont transférés hors du camp de Dora et pour certains, dont Jean Burger, prennent la direction de la Boelcke Kaserne de Nordhausen, quelques kilomètres plus au sud. C’est là, dans une caserne de chars désaffectée, dans l’après-midi du 3 avril 1945, qu’il est mortellement blessé par des bombes américaines.

Le Groupe Derhan fut fondé par Joseph Derhan, ouvrier siderurgiste à Hagondange et domicilié à Mondelange qui avait formé en 1942 un groupe nommé "Parti De Gaulle" composé d'une cinquantaine d'ouvriers de la vallée (sidérurgique) de l'Orne. Actif dans les années 1942 et 1943, le groupe est démantelé par les nazis entre janvier et mai 1944. Ses membres sont jugés du 7 au 13 novembre 1944 à Bayreuth (Bavière). Joseph Derhan, son principal dirigeant, était déjà mort au Fort de Queuleu à Metz .

Le groupe s'était donné pour mission l'accumulation d'armes pour la Libération, la propagande pro-gaulliste et l'incitation à refuser l'enrôlement dans la Wehrmacht et le Reichsarbeitsdienst.

La figure de Jean Burger, l’histoire du groupe Mario, celle du groupe l’Espoir Français ou du groupe Dehran , toute l’histoire de la résistance en Moselle reste encore aujourd’hui largement inconnue de la population.




sources :


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